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Carnets

Chien Tbilissi c Paul Labourie pour Blumenhaus

​Cette série de photos textes est issue d'un voyage en Géorgie,

pour lequel nous avons publié un city-guide

dans les pages du magazine Blumenhaus.

Photos Paul Labourie

​Tbilissi compte plus de 35 000 animaux errants. Ils font désormais partie du paysage géorgien, comme les lèvres piquées des touristes russes, les dômes en brique qui surplombent les bains sulfureux et les khachapuri, ces pains au fromage emblématique dont la forme évoque un bateau, que nous commandons à chaque repas.

À une heure de route de Tbilissi s’érige la magnifique cité troglodyte Uplistsikhe, dont le nom signifie « La cité de Dieu ». Jouxtant le fleuve Mtkvari, elle est une ville entière taillée dans la roche, fondée à la fin de l’âge de Bronze et occupée jusqu'au 13ème siècle. Comptant parmi les plus anciennes cités humaines du Caucase, le site fut successivement un sanctuaire païen, la principale forteresse du pays puis une étape sur la Route de la Soie au Moyen-Âge. Ses quelque 700 grottes interconnectées, ses habitations, ses autels païens, son théâtre antique, sa pharmacie, ses fours, sa prison et son église chrétienne ont abrité plus de 20 000 habitants. Désormais inscrite à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, 150 grottes continuent de sillonner ses parois à flanc de falaise, dont un théâtre antique au plafond orné et un puits-prison profond de 80 mètres. 

 

Nous avons été fascinés par l’aura de la cité, creuset culturel et religieux s’étirant sur huit hectares face aux collines du plateau de Shida Kartli. Nous nous y sommes baladés quelques heures, sans autre guide que la présence quasi-mystique que confère le lieu, puis avons marqué une pause au sein de l’église chrétienne faite de briques et de pierres, perchée au sommet du site. Nous avons terminé notre escapade entre les murs d’une ancienne cave, où nous avons dégusté de bons vins géorgiens, accompagnés de fromages et de noix. Rassasiés et trop heureux de voir le soleil raser les vignes en fin de journée, nous nous sommes promis de nous marier, quand nous serons grands, sur cette Cité de Dieu.

Ouplistsikhe c Paul Labourie pour Blumenhaus

Uplistsikhe

Bains Orbeliani c Paul Labourie pour Blumenhaus

Les bains

C’est d’abord l’odeur de soufre qui saisit. Une odeur d'œuf, qui contraste avec la beauté géométrique des milliers de mosaïques qui morcellent le mur du luxueux bain privatif Chreli Abano Spa, situé dans le quartier des bains à Abanotubani. Alexandre Dumas lui-même a vanté les mérites de ces bains sulfureux, intimement liés à l’histoire de Tbilissi. Selon la légende, c’est lors d’une partie de chasse que le roi Vakhtang Gorgasali, accompagné de son faucon, aurait découvert ces eaux thermales. La ville a été fondée à cet endroit précisément en raison des sources d’eau chaude souterraines, dont le nom de Tbilissi, qui signifie « lieu chaud », en témoigne toujours aujourd’hui. L'expérience, merveilleuse mais touristique, contraste avec les bains publics, qui résistent encore aux clichés de carte postale.

Des vulves qu’on rase. C’est la première vision que j’ai en pénétrant dans les bains du Public Bathhouse No. 5, établissement populaire du quartier des bains, à quelques dômes en briques du Chreli Abano Spa, d’où s'échappe parfois une vapeur de soufre. Le gant de crin vient forer mon épiderme. Une expérience inoubliable pour moi, un travail à la chaîne pour la masseuse. Toutes les femmes sont nues, à l’exception de moi, nigaude, qui porte mon bas de maillot de bain et cache ma poitrine entre mes mains. Constat que parmi celles qui se rasent l’entrejambe, c’est bien celle qui porte un slip qu’on remarque le plus. L’intimité est un concept abscons dont je ne tarderai pas, au fond de cette pièce embrumée, à me détacher.

David Gareja

Nous attendons notre guide aux confins de la vieille ville de Tbilissi, dans un coin touristique et animé de la capitale. Direction le temple David Gareja, un temple semi-troglodyte situé dans la région désertique de Gareja, où une partie des bâtiments est directement taillée dans la roche. Le complexe monastique a été fondé par le moine David, l’un des treize moines assyriens venus en Géorgie pour diffuser le christianisme au 6ème siècle. L’histoire dit qu’il aurait vécu dans les grottes au sommet. 

 

Mais d’histoire, c’est surtout celle de Mika, notre guide pour la journée, qui nous a piqué en plein cœur. Sa famille est décédée d’un accident de voiture lorsqu’il avait huit ans. Il a été recueilli par les moines, aux côtés desquels il a grandi et appris l’histoire de la Géorgie, sa théologie, ses frontières et ses paysages. Il est particulièrement attentif à ce que nous respections les lieux et veille à ce que nous prions les bons saints. Il se montre moins intéressé par la politique. La corruption, la Russie qui gronde aux frontières et grignote quelques centimètres de territoire chaque jour ? Il aime mieux ne pas en parler, mais nous conduit volontiers aux frontières de l'Azerbaïdjan qui entourent le complexe, tenues par quelques militaires qu’il ne vaut mieux pas prendre en photo. De là-haut, nous  admirons les  « montagnes arc-en-ciel », des montagnes désertiques aux couleurs striées dorées et rougies par le soleil et les éléments.

David Gareja Paul Labourie pour Blumenhaus

© 2025 par Louise Canu

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